Jean Corvisier
Je travaille chez Guigues depuis 2004, et je suis conducteur de travaux. Je me suis lancé dans le batiment à l’âge de 16 ans après un CAP. J’ai été maçon puis chef d’équipe, mais ma trajectoire est un peu atypique puisqu’à cause d’une maladie, j’ai du repasser mon BAC à 46 ans pour refaire une formation et être diplômé en Économie du Bâtiment.
J’ai eu l’occasion d’occuper beaucoup de postes, et de découvrir différentes manières de travailler, notamment grâce à l’intérim. Cette longue expérience m’est très utile pour donner des conseils aux personnes en insertion que je suis amené à encadrer sur les chantiers.
L’expérience personnelle au service de l’engagement social
J’ai connu le PLIE en 2009, notre directeur est membre du Conseil d’Administration, et il nous a encouragé à participer à leurs actions. Par leur intermédiaire et sur leur demande, j’accueille des stagiaires qui ont alors l’occasion de se former au sein de notre entreprise, et j’ai aussi été amené à faire des interventions orales auprès d’adhérents du PLIE dans lesquelles je donne des conseils pour accéder à un emploi et mieux comprendre le monde du travail.
Ce sont la plupart du temps de jeunes gens à qui nous apprenons des choses très concrètes, très simples mais très importantes, comme le « savoir être » au travail par exemple : connaître la vie de chantier, savoir s’adapter et respecter les consignes. Cela peut paraître étonnant, mais c’est souvent ces choses-là qui leur manquent le plus. On n’explique jamais assez à quel point la présentation et l’attitude sont primordiales, même sur un chantier. Les jeunes fraîchement sortis de l’école découvrent cela comme si c’était une nouveauté. La plupart croient que dans le bâtiment il importe peu de savoir s’exprimer et se présenter correctement, alors que c’est l’inverse. Dans les relations professionnelles, quel que soit le milieu, on a besoin d’être en confiance mutuelle, d’assurer un respect réciproque et de pouvoir compter les uns sur les autres. L’absentéisme par exemple, au-delà des problèmes techniques qu’il pose, fait voler en éclat la relation de confiance : comment organiser une équipe correctement si on doit craindre en permanence de ne pas avoir les ressources humaines disponibles ?
Avec l’expérience que j’ai acquise sur le terrain, je tente d’informer et de faire progresser un maximum de personnes pour que les choses avancent. Il faut que les deux parties fassent des efforts : l’entreprise doit prendre en compte la personne, et la personne doit prendre en compte les besoins de l’entreprise. Quand on réalise çà, on est tous gagnants. Quand j’ai commencé ma carrière, personne ne pensait comme cela, ce sont des nouveaux besoins, et il faut les assurer.
L’évaluation au travail est un levier pour l’accès à l’emploi
Après chaque stage, nous faisons un rapport au PLIE et au stagiaire. On doit évaluer leurs aptitudes, leurs compétences, et surtout leur capacité à adopter les comportements professionnels. Pour réussir à trouver un travail, tout n’est pas qu’une question de savoirs techniques. Car de ce point de vue là, il s’agit surtout d’expérience et d’apprentissage. On rencontre parfois des gens qui, en entretien, donnent l’impression de ne pas être du tout à la hauteur du poste proposé. Dans un recrutement classique ils ne passeraient pas l’étape du premier contact. Une fois sur le terrain, il se peut qu’ils travaillent vraiment très bien, et qu’ils montrent une vraie motivation à prendre leur place dans l’organisation. Le contraire existe aussi, ce qui veut dire que, finalement, il n’y a que la pratique qui compte. Du coup, ces évaluations sont très utiles. Pour eux, çà permet de faire un point réel sur ce qu’ils peuvent apporter à une entreprise. Et pour nous, c’est un moyen de dénicher des futurs employés, de jouer un rôle sociétal et de garder à l’esprit que le recrutement traditionnel a aussi ses limites.
Il nous est arrivé de garder des stagiaires, ceux qui ont eu les bons déclics, qui travaillent bien et qui arrivaient chez nous au bon moment. Chez nous, un stagiaire participe vraiment à l’ouvrage collectif, il ne reste pas en marge, et c’est un gain d’efficacité quand ils sont vraiment motivés. Alors quand nous ne pouvons pas les embaucher parce qu’il n’y a pas de recrutement en cours, nous essayons au maximum de les diriger vers d’autres entreprises, ou de leur donner des conseils pour réussir leur prochaine candidature.
C’est un engagement personnel, et sincèrement, si c’était possible j’en accepterais encore plus, mais on ne peut pas tout faire. Je pense que c’est à chaque entreprise de prendre en charge une part de ce travail de formation et d’évaluation, çà ne peut que faire progresser la société dans son ensemble.